dijous, 20 de desembre del 2012

Paul Eluard. « Liberté »



Sur mes cahiers d’écolier


Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige

J’écris ton nom 



Sur toutes les pages lues


Sur toutes les pages blanches


Pierre sang papier ou cendre


J’écris ton nom 



Sur les images dorées


Sur les armes des guerriers


Sur la couronne des rois


J’écris ton nom 




Sur la jungle et le désert


Sur les nids sur les genêts


Sur l’écho de mon enfance


J’écris ton nom 



Sur les merveilles des nuits


Sur le pain blanc des journées

Sur les saisons fiancées


J’écris ton nom 



Sur tous mes chiffons d’azur


Sur l’étang soleil moisi


Sur le lac lune vivante


J’écris ton nom 



Sur les champs sur l’horizon


Sur les ailes des oiseaux


Et sur le moulin des ombres


J’écris ton nom 



Sur chaque bouffée d’aurore


Sur la mer sur les bateaux


Sur la montagne démente


J’écris ton nom 



Sur la mousse des nuages


Sur les sueurs de l’orage


Sur la pluie épaisse et fade


J’écris ton nom 




Sur les formes scintillantes


Sur les cloches des couleurs


Sur la vérité physique

J’écris ton nom 



Sur les sentiers éveillés


Sur les routes déployées


Sur les places qui débordent


J’écris ton nom 



Sur la lampe qui s’allume


Sur la lampe qui s’éteint


Sur mes maisons réunies


J’écris ton nom 



Sur le fruit coupé en deux


Du miroir et de ma chambre


Sur mon lit coquille vide


J’écris ton nom 



Sur mon chien gourmand et tendre


Sur ses oreilles dressées


Sur sa patte maladroite


J’écris ton nom 


Sur le tremplin de ma porte


Sur les objets familiers


Sur le flot du feu béni


J’écris ton nom 



Sur toute chair accordée


Sur le front de mes amis


Sur chaque main qui se tend


J’écris ton nom 



Sur la vitre des surprises


Sur les lèvres attentives


Bien au-dessus du silence


J’écris ton nom 



Sur mes refuges détruits


Sur mes phares écroulés


Sur les murs de mon ennui


J’écris ton nom 



Sur l’absence sans désirs


Sur la solitude nue


Sur les marches de la mort


J’écris ton nom 



Sur la santé revenue


Sur le risque disparu



Sur l’espoir sans souvenir


J’écris ton nom 



Et par le pouvoir d’un mot


Je recommence ma vie


Je suis né pour te connaître


Pour te nommer

Liberté. 




Paul Éluard, Poésie et Vérité, Paris, Éditions de la main à la plume, 1942.

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